Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le blog de Anne-Laure L.

Le blog de Anne-Laure L.

Ce blog est un récapitulatif non exhaustif de mes articles en tant que journaliste sur des sujets aussi variés que la musique, la société, l'actu... Bonne lecture!


Sur les Chemins des Suds, à Arles

Publié par Anne-Laure L. sur 20 Juillet 2015, 00:53am

Catégories : #musiques des mondes

Sur les Chemins des Suds, à Arles
Depuis 20 ans, le sublime festival des Suds, à Arles, essaime sur les places, dans les ruelles, et les joyaux patrimoniaux d’Arles, une kyrielle de musiques. Ici, à chacun son rythme, à chacun son tempo : les sons jouent harmonieusement avec les heures joyeuses gorgées de soleil. Lors de la dernière édition qui a eu lieu du 13 au 19 juillet, parmi les multiples routes offertes, nos oreilles ont croisé deux musiciens vagabonds : le jazzman oudiste tunisien Dhafer Youssef, et le troubadour méditerranéen, Titi Robin. Suivez nos pas !

Il y a vingt ans, germait au cœur d’Arles, cité lumière où les rayons du soleil parent d’or les vieilles pierres, paradis des peintres et des photographes, une utopie envoûtante : celle des Suds, festival voyageur et unique, maillage de musiques colorées qui résonnent parmi son dédale de ruelles, rebondissent joyeuses sur ses pavés, s’alanguissent le long du fleuve, habitent avec panache ses joyaux patrimoniaux…

Ici, chaque heure de la journée possède sa bande-son, des Apéros Découvertes aux Siestes Musicales à l’Espace Van-Gogh, des galvanisantes Scènes en Ville à l’intimiste Moment Précieux dans la Cour de l’Archevêché, des grandioses concerts au Théâtre Antique jusqu’aux tonitruantes – électro, rock… – Nuits des Forges, sises dans d’anciennes friches SNCF à ciel ouvert, savourées jusqu’à plus soif.

Avec son savant mélange de têtes d’affiches et de savoureuses découvertes, le festival des Suds renouvelle chaque année avec générosité, ses paris audacieux qui lui valurent sa juste place parmi les 25 Meilleurs Festivals Internationaux 2015, recensés par le magazine britannique Songlines.

Cette édition (13-19 juillet) ne déroge pas à la règle. Une fois encore, les Suds offre à ses quelques 60.000 festivaliers, une kyrielle de voyages, du Rhône au Mississippi, en passant par tous les rivages de la Méditerranée, jusqu’à Cuba : autant d’épopées musicales, de métissages, de dialogues, de routes croisées, une multitude de possibles qui bravent avec foi, en un feu d’artifice de sourires, les crispations et autres tentatives de repli sur soi.

Les méditations jazz de Dhafer Youssef

Parmi ces chemins hétéroclites et pleins de sève, notre itinéraire croise, le vendredi 17 juillet, jour de la fête de l’Aïd, consacrée par Les Suds aux mondes musulmans, les chemins de deux musiciens-voyageurs, aux trajectoires fortes de sens.

Le chant cristallin du premier, au timbre si particulier, doté de cette fragilité extrême qui caractérise les forces les plus ancrées, déchire l’air du Théâtre Antique, tutoie les étoiles, se pose funambule sur le souffle en suspens des spectateurs. Le oudiste tunisien Dhafer Youssef entame son Birds Requiem, son "requiem pour les oiseaux", du nom de son dernier album, avec toute la dualité qui l’emplit : le jazz, lesblue notes, et ses racines…

© AL Lemancel

Titi Robin et Medhi Nassouli, Les Suds à Arles 2015

Autour de son chant éthéré, s’enroulent ainsi les improvisations de haut vol du pianiste estonien Kristjan Randalu, la contrebasse virtuose du Britannique Phil Donkin, les rythmes polymorphes du batteur hongrois Ferenc Nemeth… Il est ici question de prises de risque, d’abymes en sommets, de discours prodigieux et volubiles, mais aussi d’ivresse extatique, d’une méditation heureuse, sur le temps qui passe, le temps qui nous file entre les doigts : une réflexion musicale et métaphysique, une longue prière qui fait écho à sa lignée d’ancêtres muezzin, dont il pratiquait le chant.

Lors de la composition de ce disque, il accompagnait sa mère pour son dernier voyage. Au Théâtre Antique, il honore aussi, par un titre à la douceur infinie, un cher disparu, un ami, habitué de Suds : l’homme de radio et DJ Rémy Kolpa Kopoul. Une émotion palpable charge l’air…

La Musique Idéale de Titi Robin

Dans ce fabuleux écrin patrimonial, Titi Robin, un fidèle parmi les fidèles prend la succession du Tunisien. Avant même que la manifestation n’acquière le nom de "Suds", ce troubadour des temps modernes, baladin méditerranéen, hanté par des influences indiennes, jouait déjà à Arles, pour Mosaïques Gitanes. Il a depuis, honoré l’événement à de multiples reprises ; l’auditoire l’accueille donc naturellement en familier.

Devant un parterre conquis, il présente avec sa guitare et son bouzouki* son dernier disque, Taziri : un "Clair de Lune", qui illumine de son halo vagabond, la nuit des Suds. Pour ce projet, digne héritier de son précédent Les Rives, il collabore avec le jeune prodige marocain, le solaire Mehdi Nassouli, chanteur à la voix chaude et ronde, joueur de guembri, grandi entre cultures berbère et gnawa : "une rencontre pure", s’enthousiasme Titi lors d’une conférence de presse.

Dans sa quête entamée depuis ses débuts en autodidacte, nourrie à de multiples sources –"l’œuvre d’une vie, le rêve d’une musique idéale" dit-il – Robin croise au festival Timitar d’Agadir le son du guembri, cette basse des gnawa, de son comparse : la couleur qui manquait à son tableau.

Loin de l’attitude stérile du touche-à-tout, à mille lieues des fusions artificielles, Titi suit avec précision son chemin, sa voie résolument contemporaine, les lignes de force sous-jacentes à son rêve de blues méditerranéen : une musique qui abolit les frontières, "réactive les mémoires passées sous silence", renoue les dialogues, emprunte les ponts construits par les Anciens, explore des pistes multiples qui toujours se rejoignent…

Se dévoile alors dans son aventure, un profond militantisme, niché dans la sincérité de sa démarche, et l’honnêteté de son geste. Sur le fil de son nomadisme, à la lueur de Taziri, éclosent des palmas flamenco, des teintes berbères, de belles chansons, sublimées par l’accordéon de Francis Varis, les percussions de Habib Meftah Bousheri, et les volutes du diable du "jeune prince du ribab**", Foulane Bouhssine, invité pour l’occasion. Le public, galvanisé, chante en chœur et à plein poumon, vers la lune.

Rallumer les soleils

© AL Lemancel

Zanmari Baré, Les Suds à Arles 2015

Aux Suds, nos oreilles croisèrent aussi, pêle-mêle, au hasard des sentiers, l’électro-trad hallucinée de l’Occitan Henri Maquet (Delta Sonic), les incantations funky de Vaudou Game, la maloya classieux de l’orfèvre Zanmari Baré, la musique stratosphérique et rêveuse de Kintsugi (une création par Serge Teyssot-Gay, Gaspard Claus et Kakuchin Nishihara) … Le dernier jour du voyage s’écrit en plein cœur de la Camargue, près de la mer, aux Salins de Giraud : en chemin vers cette "escapade buissonnière", en bouquet final, nous croisons le chanteur breton Denez Prigent, pour un ultime et intense Moment Précieux au "Château de Direction". Dans son édito, la créatrice et chef d’orchestre de la manifestation, magicienne hors pair, Marie-José Justamond, exhortait : "Rallumons ensemble tous les soleils". Cette semaine, le miracle fut accompli…


* sorte de luth d’origine grecque
**violon à une corde

Dhafer Youssef Birds Requiem (Okeh recordings/Sony Music) 2013
Titi Robin avec Mehdi Nassouli Taziri (World Village)
2015

Site officiel de Dhafer Youssef
Page Facebook de Dhafer Youssef
Site officiel de Titi
Robin
Page Facebook de Titi Robin
Site officiel des
Suds

Par Anne-Laure Lemancel pour RFI Musique

Sur les Chemins des Suds, à Arles
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents